Portraits / Témoignages

De Quartier Japon Wiki.

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Vous souhaitez nous faire connaître un Japonais / un Français, ..., de votre connaissance ou un écrivain, un cinéaste… ?

Pour nous donner envie de le rencontrer et partager ce qui vous séduit chez cette personne ; photographie, texte, article, …, exprimez votre créativité !


Sommaire

Présentation de projets et de leurs auteurs !"

Pour télécharger le dossier : https://www.quartier-japon.fr/sites/default/files/quartier_japon_temoignages_wiki_japon.pdf

Article mis à jour le 13/01/2020



Raoûl - Gérant de l'auberge Aizuya-Inn à Tokyo

(35 ans) - Au Japon depuis 2007 Gérant du Aizuya-Inn (Tokyo) http://www.aizuya-inn.com/french/facilities.html


  • "Ma vie au Japon ?"

Dans Tokyo la capitale et le pays Nippon en général, mon expérience japonaise a, jusque-là, toujours été enrichissante et satisfaisante : confortable, rarement banale, souvent géniale ! Résident français dans ce pays étranger depuis 4 ans, j’ai un peu l’impression d’être toujours en vacances, chaque nouveau lieu apportant son lot de découvertes. Mon épouse (Japonaise) est parfois surprise de mon enthousiasme enfantin pour ce qui lui paraît quelconque « Voyager 3 heures pour aller voir des singes qui se baignent dans un ‘onsen’, quelle idée saugrenue! ».

Si je trouve ces “découvertes permanentes” excitantes, cet aspect seul ne suffit pas à rendre la vie attirante au Japon. Plus terre-à-terre mais nécessaires, les transports, nourriture et logement sont - entres autres - des détails de la vie qui peuvent empoisonner ou améliorer le quotidien. Et là, j’avoue être comblé ! Les transports publics sont ponctuels, propres, faciles d’utilisation. Les logements sont loués/vendus avec des équipements ingénieux qui facilitent le quotidien. Bien sûr, je peux vivre sans sas anti-pollen/pollution, sans programmateur de baignoire et sans salle de bain qui se transforme en sèche-linge géant… ; mais pourquoi se priver de gadgets qui sont de toutes façons à disposition ?

On ne peut évoquer le Japon sans mentionner la nourriture. Car en effet, il fait bon manger au Japon ! Non seulement la cuisine japonaise est délicieuse, mais elle est aussi très saine et digeste : je peux donc être gourmand sans me sentir trop coupable !! Au supermarché, je trouve de quoi cuisiner japonais ou francais et lorsque je veux manger à l’extérieur, là encore je n’ai que l’embarras du choix : simple izakaya ou kaiseki en passant par le shabu-shabu ou robatayaki, autant d’endroits pour des occasions et des budgets différents. Et lorsque j’ai un peu le mal du pays, je vais à Kagurazaka où je mange français – et breton ! - dans de charmants bistrots/crêperies.

Aussi heureux que je sois de vivre au Japon, il me faut toutefois être objectif et rappeler que, comme tous les pays, “Nihon” n’est pas parfait : des aspects sont moins attirants ou même tout à fait détestable ; à chaque “gaijin” de se faire son opinion…

S’arrêter là serait faire une grande injustice à l’aspect le plus important de mon expérience Japonaise : les relations humaines. La gentillesse, la patience, la politesse des habitants de l’archipel contribuent à créer une atmosphère que je trouve confortable, sereine… A Tokyo, on ne ressent donc pas cette agressivité, cette tension qui existe dans beaucoup de capitales européennes. Plus encore, je dirais que le doux caractère des Japonais est contagieux ; en effet, je me sens changer…. et si je devais quitter le pays demain, je pourrais affirmer que le Japon m’a bonifié.

Je divague ? Je vous souhaite de venir constater tout cela par vous-même !!

Article paru le 01/09/2011

Jeanne "Ma première exposition de mes dessins manga"

JEANNE CORNU 062016.JPG
Jeanne prend des cours avec Quartier Japon depuis septembre 2014

J’ai 14 ans et je dessine depuis quatre ans. Je suis arrivée au dessin de manga presque par hasard après avoir lu des séries telles que One Piece et Naruto lorsque j’étais plus jeune. J’avais envie de dessiner, et c’est un manuel de dessin découvert à la bibliothèque qui m’a mise sur la voie.

Mon seul matériel à l’époque : un crayon HB et des feutres… Je me suis d’abord contentée de recopier les exemples du manuel pour comprendre les bases du dessin, du visage et du corps humain. Ensuite, j’ai voulu dessiner mes propres personnages tout en continuant à me perfectionner, toujours à l’aide de manuels, grâce auxquels j’ai approfondi les notions d’anatomie, de volume, d’ombres, etc.

Il y a un an, j’ai rejoint un cours de dessin de manga qui m’a permis de rencontrer d’autres passionnés et d’enrichir ma technique : la couleur est entrée dans mes dessins, j’ai abordé la composition et appris à utiliser des outils tels que les marqueurs, l’encre et l’aquarelle.

Si mes premiers dessins étaient surtout des copies, depuis un an, je multiplie les approches et les styles : types de visages, traits, yeux, encrage, mise en couleur… J’explore sans cesse de nouvelles possibilités, de nouveaux rendus, de nouveaux styles, comme récemment le « cartoon ».

Je dessine chaque jour, passionnément… Debout, assise, et même en marchant ! J’ai toujours un cahier de dessin sur moi et me replonge dans cet univers des que j’ai un moment. Le dessin me permet de m’affirmer, de m’évader, de m’amuser, de me faire remarquer d’une manière positive, d’échanger.

J’espère que cette exposition vous permettra de découvrir et d’apprécier mon travail artistique.

JO


Article paru le 23/06/2016


Sophie - Aikidoka et étudiante chez Quartier Japon

Aikidoka – Etudiante en japonais chez Quartier Japon (année 2012-2013)

Je me souviens très bien de ma première visite au Kodokan : j'avais suivi un ami qui pratique l'Aikido en Bretagne et qui, étant de passage pour trois semaines à Paris, s'y était inscrit. L'ambiance, Michel le principal Sensei du club, son accueil et sa gentillesse toute bienveillante et puis, ..., le cours !

J'ai été totalement conquise et cela dès les premières minutes, et plus je regardais et plus je pensais « c'est pour moi ça, je veux faire CA ! » Je suis venue regarder une deuxième fois et au troisième cours hop, en scène !, je me suis lancée. L'Aikido me renforce, m'émeut, m'apprend encore le respect, l'échange, car la personne avec qui l'on pratique est un partenaire, non un adversaire, et il n'est pas de compétition au sein de cette discipline ! Comment placer son corps afin de faire de l'attaque de l'autre une force que l'on renvoie en sa direction, qui va le déséquilibrer, l'emmener à la chute ou à une immobilisation, sans le blesser ? Comment placer sa respiration, comment éviter un coup ou se défaire d'une saisie, sans querelle ? Et, petit à petit, cette attitude s'installe doucement dans votre vie de tous les jours.

L'ambiance est excellente, nous nous amusons beaucoup, il existe une réelle vie de club. Echanges entre clubs, stages (notamment celui d'une semaine dans le Jura où nous allions trois heures de pratique avec toutes autres activités, telles que piscine, ski, tir à l'arc, massages, randonnées, ..., rires, beaucoup de rire et, à Paris, des sorties, restaurants, pique-niques... Michel LAPIERRE 5ème Dan et son enseignement constituent la clé de voûte du club, son Aikido est franc, basé sur le respect des techniques, authentique. Eleonore LEMAIRE 3ème Dan, elle, assure le cours enfants et adultes du samedi, une autre approche plus en finesse, en ressenti, également très efficace !

Et depuis deux ans, ce très bel art martial change ma vie, et je n'exagère pas. Aussi, je pense qu'on ne peut pas pratiquer un art martial japonais trois fois par semaine et ne pas s'intéresser plus profondément au Japon, à son histoire, sa culture… C'est ce que je fais, cela m'a d'ailleurs permis de changer de travail (déjà dans le tourisme, je reste dans le secteur mais en me tournant plus sur la destination), ce pourquoi j'en suis arrivée à un autre enseignement : celui de la langue japonaise, avec Saki-sensei ici, chez Quartier-Japon !

Tous les mercredis soir, pendant une heure et demie, nous progressons dans une ambiance chaleureuse. Apprendre le japonais n'est pas chose facile bien sûr, mais les cours sont construits de façon très homogène, simplifiée et très ludique ! De plus le programme se trouve être le moins onéreux que j'ai pu trouver. Enfin, je dirai « Merci l'Aikido, merci Quartier Japon ; cher Soleil-levant, tu donnes des couleurs à ma vie ! »


Article paru le 21/01/2013


Interventions japonaises à l'hôpital : témoignages de rencontres

Stéphane

Byo (première syllabe du mot "Byoin" - Hôpital)
Depuis mars 2014, Quartier Japon a la chance d'intervenir une fois par mois pendant 4h, au sein de l'Institut Gustave Roussy, établissement hospitalier spécialisé dans le traitement du cancer. Les Laboratoires Takeda, l'un des plus anciens groupes pharmaceutiques japonais, est à l'initiative du projet et sponsorise nos interventions.

Pour cette action, Mié, calligraphe et origamiste chez Quartier Japon, anime ces journées en compagnie de Stéphane (Responsable de Quartier Japon), de Caroline (Responsable Communication Takeda France) et de différentes personnes du groupe Takeda.

Suite à notre intervention lors de notre venue le 4 novembre 2014 au sein de l’IGR, et à la demande de Nathalie (Responsable du programme "Mieux vivre le cancer" de l'IGR), je vous transmets quelques anecdotes suite à des rencontres marquantes pour moi, survenues dans le cadre des interventions de Quartier Japon depuis mars 2014.

Tout d’abord, chaque fois que je viens à l’IGR pour proposer à l’ensemble des personnes présentes, en soins, en visite, accompagnatrices et en « blouse blanche », je suis toujours surpris et touché de l’accueil qui nous est réservé unanimement par l’ensemble des différentes catégories des personnes présentes.

In (seconde syllabe du mot "Byoin" - Hôpital)
Chaque fois, ce sont des remerciements chaleureux, même de la part de personnes qui ne souhaitent ni participer aux ateliers ni recevoir les livrets de présentation de la calligraphie japonaise et de l’origami. Chacune nous remercie, à minima pour l’initiative.

Quant à ceux qui reçoivent les livrets, chaque fois, leur remettre les livrets en les invitant à nos ateliers et en expliquant notre action, c’est toujours l’occasion d’instaurer un temps d’échange, qui peut être de quelques minutes mais qui peut également s’écouler sur plus de 30mn.

L’échange part de notre action, de la culture japonaise et peut parfois poursuivre sur la raison de leur présence à l’IGR ou encore se prolonger sur le récit de la vie et de la situation actuelle des personnes et même sur leur histoire familiale. Pour de nombreuses personnes, la porte de leur intériorité s’ouvre et elles me donnent à connaître une partie de leur vie. Cela les soulage, cela leur fait du bien et quand elles repartent, leur visage est radieux, du moins plus calme, parfois leurs yeux sont redevenus pétillants !

Il y également les personnes qui demandent à Mié ou à Caroline ou aux autres personnes des Laboratoires Takeda, de se faire réaliser une ou plusieurs calligraphie et / ou un ou plusieurs origami. Egalement toutes les personnes qui ne demandent pas directement, mais pour lesquelles je demande à leur place. Quand elles repartent avec, quand je les leur rapporte, là encore les remerciements sont sincères. Certaines me semblent touchées que l’on soit venu à elles, que l’on leur ait accordé un instant notre attention et, qui plus est, qu’on leur donne leur prénom calligraphié et tout cela, gratuitement, sans rien leur avoir demandé en contrepartie.

Quant aux personnes qui participent aux ateliers et s’essaient à la pratique de la calligraphie et/ou de l’origami. Certaines juste un moment et d’autres, parfois pendant une heure ! Ce serait surtout Mié et Caroline et les autres personnes des Laboratoires Takeda qui pourraient en parler le mieux, car ce sont elles qui passent ces moments importants en leur compagnie. Les témoignages de participants laissés sur le livre d’or sont plus que parlant !

Parmi toutes les nombreuses rencontres, certaines me sont demeurées en mémoire. Je vous les raconte en quelques lignes, car cela pourrait vous permettre de vous faire une idée de ce qui se joue alors, grâce à ce beau projet et grâce à l’implication de tous.


Le monsieur âgé dans son fauteuil roulant

Un vieux monsieur patientait ce jour dans l’une des petites salles d’attente attenantes au plateau, en compagnie de son fils et de sa bru. Le monsieur me regardait d’un regard éteint tout pendant que j’expliquais notre démarche en remettant nos livrets à son fils assis près de lui. Comme il ne me semblait franchement pas en forme, tout triste, j’ai demandé à son fils le prénom du monsieur, qui ne pouvait visiblement plus parler. Et je suis parti le faire calligraphier par Mié, sur notre stand.

Un peu plus tard, alors que la calligraphie n’était pas encore exécutée, car il y avait une liste d’attente ce jour-là, son fils passe devant notre stand en revenant du distributeur à café. Alors, il m’indique que son père, effectivement, est très mal en point et qu’il n’en a certainement plus pour bien longtemps à vivre. Une fois la calligraphie de son prénom réalisée, je vais la lui, la leur, apporter. Le vieux monsieur n’a plus la force de dérouler sa calligraphie, aussi est-ce sa bru qui le fait à sa place et la lui montre.

Son fils et sa femme furent très contents en me remerciant, tandis que je m’apprêtais à repartir. Le vieux monsieur, qui ne pouvaient plus ni parler ni à peine bouger, m’a regardé et, à travers son regard, m’a dit « merci ». Je suis reparti content, et le suis encore à l’évocation de cette rencontre, d’avoir pu apporter ce moment à ce vieil homme, lequel savait, je suppose, l’heure de sa fin proche. Content également, d’avoir apporté cette joie furtive à son fils et à sa bru, à un moment où ils se préparaient à la prochaine séparation d’avec le vieil homme.


La jeune fille au visage très marqué

En fin de journée, nous nous apprêtions à ranger quand une adolescente et ses parents se dirigeaient vers la sortie en passant devant notre stand, vraisemblablement après avoir consulté leur médecin. La jeune femme portait un masque mais il ne masquait pas en totalité son visage.

Un peu plus tôt au cours de cette même journée, j’avais vu une personne au visage très marqué, couvert de tâches et à l’œil quasi fermé, le pourtour meurtri. C’était la première fois depuis que nous intervenions à l’IGR en mars 2014 (nous étions en septembre). Cette jeune femme était la seconde, mais cette fois bien plus jeune que la femme précédemment rencontrée.

Certainement que cela m’a incité à me porter à leur rencontre. Comme chaque fois, je leur ai remis nos livrets tout en expliquant rapidement notre démarche, puis je l’ai invitée à s’approcher du stand, pour que Mié lui calligraphie son prénom. C’était un peu difficile pour moi de la regarder de face, comme n’importe qui, alors que son visage était si marqué par la maladie alors qu’elle était si jeune. En moi-même, je me disais que je me devais, aussi pour elle, de ne pas détourner les yeux tout en m’efforçant que cela soit naturel à ses yeux, afin de ne pas la blesser.

La journée s’achevait et ils devaient probablement être pressés de repartir, pensais-je, mais contrairement à cette idée, la jeune femme s’est dirigée volontairement vers Mié, suivie par ses parents.

En compagnie de Mié, elle a reçu plusieurs calligraphies, de son prénom et des prénoms de ses parents, puis elle s’est essayée un moment à la calligraphie, sous les accompagnements bienveillants de Mié.

Au bout d’un moment passé en notre compagnie, elle est repartie avec ses parents. Son visage était rayonnant, comme celui de tout le monde.


La petite fille et son papa qui ne parlaient pas français

Une jeune adolescente, d’environ 10 – 12 ans, regardait de loin notre stand et plus particulièrement Mié, qui faisait de l’origami avec une participante. Visiblement, la fillette était très curieuse sans pour autant avancer trop près ; elle restait à distance. D’ailleurs, aussitôt, elle a bondi lorsque je me suis adressé à elle tout en m’avançant dans sa direction.

La fillette ne parlait pas français. Peut-être venait-elle de l’un de ces lointains pays du Golfe, comme il semble que parfois viennent certaines personnes en soins. Le teint de sa peau et le noir de sa chevelure le laissaient du moins supposer.

Comme elle se trouvait juste devant l’entrée d’une salle de consultation attenante au plateau, j’en déduisis que ses parents devaient s’y trouver. Ce qui était le cas : son papa effectuait en effet des démarches auprès de la secrétaire médicale. Lui non plus ne parlait pas français, mais à la différence de sa fille, il maîtrisait l’anglais. Je lui expliquais donc que sa fille était très intéressée par ce que nous proposions sur notre stand et qu’il pouvait nous la laisser le temps de sa visite chez son médecin. Il la reprendrait en repartant ; il ne pouvait pas nous louper : nous étions tout à côté de la sortie. S’il était volontiers partant, sa fillette, elle, refusa et s’accrocha à la jaquette de son père, malgré les explications et les invitations de ce dernier.

Un certain moment plus tard, la fille était revenue à son point de départ, quoique plus proche. Cette fois, elle ne se fit pas prier pour venir s’assoir à notre stand, comme je l’y invitais avec quelques gestes. Et Mié fit le reste ! Bien que l’une et l’autre ne parlaient pas une langue commune, puisque la fillette ne parlait qu’arabe et Mié le japonais, le français et l’anglais, elles parvinrent malgré tout à communiquer à travers la réalisation de nombreux origamis. Mié pliait devant elle puis la fillette reproduisait le pliage sur sa feuille et ainsi de suite. Mié lui présentait les différentes planches présentant les schémas des origamis et la fillette choisissait l’origami qu’elle souhaitait faire. Ainsi, elle réalisa une boîte dans laquelle elle disposa ensuite les nombreux origamis qu’elle réalisa.

J’avais averti son papa, auquel il restait à achever des démarches administratives, comme quoi sa fille était avec nous, bien occupée à faire des origamis et qu’il pouvait prendre tout son temps. Nous nous en occupions.

Encore un moment plus tard, le papa est arrivé et il est resté à regarder sa fille, qui n’avait d’yeux et de concentration que pour ce qu’elle faisait sous les conseils bienveillants de Mié. Plus tard, quand le papa l’a invitée à prendre congé, elle est encore restée un moment, le temps d’un dernier origami. Puis, enfin, elle s’est levée, sa boîte remplie d’origamis à la main. Ses yeux pétillaient !

Le papa également était tout content, ravi de voir sa fille si contente et que nous lui ayons donné autant. Il a souhaité nous prendre tous en photos ! Mié avec sa fille, moi aussi avec sa fille et avec Mié. Il a aussi demandé à sa fille de me prendre en photo en sa compagnie. Il m’a serré chaleureusement la main et nous avons échangé nos coordonnées. Et aussi, auparavant, il m’avait demandé de but en blanc « how can i help you ? » (Comment je peux vous aider). C’était si direct, fort ! Je lui ai juste répondu : « en parlant autour de vous de ce que nous faisons ici, à l’IGR ». Puis ils sont repartis, les visages épanouis, les yeux brillants de la fillette.


Les deux messieurs qui me parlent de leurs histoires

Lors de notre dernière intervention en novembre, j’ai rencontré deux hommes, notamment, qui me sont restés à l’esprit, du fait vraisemblablement des similitudes qu’ils présentaient.

Comme à mon accoutumée, je les ai abordés l’un comme l’autre, à des moments distincts de l’après-midi, pour leur proposer nos livrets de présentation de la calligraphie et de l’origami. Ces livrets me sont en effet d’un grand secours pour me permettre d’aller vers toutes ces personnes inconnues et pour me permettre de rompre la glace et entamer avec elles un échange.

Ces deux messieurs m’ont fait le même accueil, en m’indiquant ne pas souhaiter recevoir les livrets, car n’étant pas intéressés. Pour autant, la discussion a néanmoins pu s’engager avec eux deux. Parfois, quand des personnes me disent ne pas être intéressées par les livrets, elles ne le sont pas plus pour échanger. La majorité nous remercie malgré tout pour notre action et pour être venu à leur rencontre.

Cette fois, les deux messieurs se sont arrêtés et ils ont commencé à discuter, principalement pour parler d’eux, de leurs opinions sur x ou y sujets, allant de la politique à tout autre sujet général, comme souvent pour les hommes. Ils ne recherchaient pas vraiment d’échange ni de retour de ma part suite à leur propos. Apparemment, le simple fait que je les écoute et que de temps à autre je ponctue leur suffisait.

Ainsi, de fil en aiguille, leur quasi monologue a glissé vers leur propre situation et leur parcours professionnels respectifs, tous deux étant pareillement retraités depuis déjà un certain nombre d’années. Alors, s’en est suivi le déroulé de leur carrière, les moments marquant pour eux, leurs relations avec leur épouse et leurs enfants… Insidieusement, ils ont d’eux-mêmes abordé des sujets plus personnels, parlant de difficultés relationnels avec certains de leurs proches puis de leur santé et de ce qui faisait pourquoi ils étaient présents à l’IGR : ils avaient croisé le cancer, s’étaient fait hospitalisés et opérés et avaient vaincu la maladie. Ils revenaient désormais de temps à autres pour des contrôles.

De parler de leur maladie, des souvenirs de leur temps d’hospitalisation, cela leur faisait visiblement revivre des épisodes douloureux, cela leur rappelait des amis qui n’avaient pas eu la même chance qu’eux et avaient disparu du fait de la maladie…. Leur voix se troublait à certains moments, leurs yeux s’humidifiaient et des larmes retenues étaient effacées d’un geste de la main, alors qu’elles étaient sur le point de déborder et glisser sur leur visage…

Ainsi, ce cheminement, identique chez les deux messieurs, depuis leur discours fait de mots et de sens, pour glisser progressivement et devenir un discours fait certes toujours de mots et de sens mais désormais également d’affects…

Quand, au bout de peut-être 30mn environ ou même un peu plus, nous avons pris congé les uns des autres, ils m’ont salué, ce n’était plus un simple « au revoir », une banale formule entre gens civilisés, mais bien plus, comme nous le savions tous deux en notre for intérieur.


L’enfant avec son grand Mickey et le petit au crâne rasé

C’est toujours impressionnant de voir des enfants atteints de la maladie. Plus encore quand ils sont petits, sans cheveux ou en fauteuil roulant… C’était le cas pour deux d’entre eux rencontrés lors du dernier atelier de novembre 2014.

En premier, ce petit, garçon ou fille ?, dans les bras de sa maman. Les parents se trouvant proches de notre stand, ils se trouvaient attirés par ce qui s’y passait. L’enfant était-il tout autant intéressé ?, je ne saurais le dire. De voir un petit comme cela, le crâne tout chauve, avec quelques fins cheveux qui repoussaient ici et là, cela m’a ému et je me suis approché de lui, pour le saluer et lui demander s’il connaissait l’origami.

Comme il s’agissait d’un enfant de type asiatique, ses parents étant également asiatiques, je pensais qu’il connaissait. Mais apparemment, ce n’était pas le cas ou du moins était-il intimidé et ne me répondait pas. Je suis donc allé prendre une grue en origami que Mié avait faite et posée sur notre table. Une belle tsuru, cet animal si important pour les Japonais, réalisé en chiyogami, un papier japonais avec pleins de jolis motifs. Et je le lui ai donnée. Forcément, il l’a prise et l’a gardée, sans pour autant qu’il ne m’ait dit le moindre mot.

Peut-être ne parle-t-il pas français, me suis-je dit. Mais les parents parlaient et écrivaient parfaitement français, comme je m’en suis rendu compte un peu plus tard, notamment lorsqu’ils nous ont laissé un message sur le livre d’or. L’enfant, toujours dans les bras de sa maman, est reparti, sans un mot, mais tenant bien sa grue en origami !

Un peu après, un autre enfant passait devant notre stand, à demi allongé dans une sorte de fauteuil-lit roulant, que poussait une femme, a priori sa mère. L’enfant était tout recroquevillé, avec à son côté droit un grand Mickey en peluche, allongé tout contre lui. La peluche semblait tellement grande, plus grande que l’occupant du fauteuil !

Le garçonnet, qui devait avoir environ 10-12 ans semblait bien mal en point. Un œil était caché par un pansement et sa tête penchait vers la droite, vers le drap qui le recouvrait partiellement. Il ne semblait rien regarder de ce qui l’environnait. La maman elle aussi avait un visage pareillement vide d’émotion… Seul le Mickey mettait une touche de couleurs et de gaîté dans ce triste convoi.

Bien qu’ils nous avaient déjà dépassé, je me suis précipité à leur suite, non sans avoir pris quelques origamis sur notre table. Arrivé à leur hauteur, je les lui ai donnés, au garçon, sans trop parler cette fois. Juste donnés… Et ils sont repartis, presque sans un mot, le garçon les tenant dans sa main, entre lui et le Mickey.

Article paru le 24/11/2014


Malyssa - "A l'origine de mon amour et de ma curiosité pour la culture japonaise"

21 ans, étudiante en administration culturelle


Mars 2015, je reçois une demande de la part de Malyssa, étudiante en master d'administration du spectacle vivant, car elle est à la recherche d'une personne travaillant dans une structure culturelle et plus particulièrement liée à la culture japonaise afin de répondre à quelques questions.

Travaillant à l'élaboration de son mémoire, dont le sujet est "L'essor de la culture japonaise en France depuis les années 80", elle est donc à la recherche de toute information susceptible de l'éclairer sur le sujet.

Je lui propose de répondre à ses questions en échange d'un article de sa part, sur le pourquoi de son intérêt pour ce sujet et pour la culture japonaise, ce qu'elle accepte volontiers.


"Mon amour et ma curiosité pour la culture japonaise sont apparus durant mon adolescence.

Née en région parisienne de parents laotiens, je suis, du point de vue « français », une asiatique mais, quand je me rends au Laos, mon pays d’origine, je suis vue comme une française, et non comme une laotienne.

C’est donc durant mon adolescence que ma « particularité » m’a frappée, ma situation d’entre-deux cultures, ni vraiment asiatique ni occidentale.

Cette situation me rendait mal à l’aise car je ne savais pas à quelle culture m’identifier, et, en pleine crise d’adolescence, j’avais besoin de me réfugier dans un univers qui me donnait un sentiment de sécurité, comme un cocon douillet.


C’est tout d’abord avec les mangas et animés que j’ai réellement commencé à m’intéresser à la culture japonaise, qui m’attirait tant par sa diversité, son originalité, ses subtilités mais également par le fait qu’il s’agissait d’une culture asiatique, à laquelle il était plus aisé pour moi, jeune asiatique de France, de m’identifier.

La culture japonaise était devenue mon cocon, à travers toutes les images que je pouvais en obtenir de mon ordinateur.

J’avais enfin la possibilité de m’identifier à des visages asiatiques ainsi qu’à des coutumes et des usages qui m’intéressaient plus que tous ceux que l’on avait essayé de m’imposer toute ma vie.

Comme beaucoup de personnes, je rêvais de visiter ce merveilleux pays, qu’il soit comme je me l’imaginais ou non d’ailleurs.

Durant mon adolescence, je me contentais donc de tout ce qu’Internet pouvait m’offrir comme aperçu du Japon mais, quand j’eus enfin l’âge de pouvoir me déplacer seule (mes parents ne s’intéressent pas du tout au Japon, et ne désiraient donc pas m’accompagner durant mes sorties pour en savoir plus sur ce pays), notamment sur Paris, je pris plaisir à me rendre à des évènements touchant à différents aspects de la culture nippone, que ce soit des festivals comme la Japan Expo, ou encore de plus petits évènements comme la Journée du Kimono, ou bien la dégustation de thé et de wagashi à la Maison de la Culture et du Japon.

J’alimentais doucement mais sûrement ma curiosité pour le pays du Soleil Levant avec un enthousiasme grandissant pour tout ce qui y touchait de près ou de loin.

De ce fait, arrivée en première année de Master d’Administration Culturelle, je décidais de joindre l’utile à l’agréable : le sujet de mon mémoire sera « L’essor de la culture japonaise en France ».

Une bonne excuse pour me rendre au plus grand nombre possible d’évènements ayant trait à cette culture et, évidemment, préparer en douceur la réalisation de mon rêve d’adolescente dans quelques années : visiter enfin ce merveilleux pays.


Article paru le 06/04/2015


Michel - "Le Kyûdô, mon expérience et mon chemin"

Pour la sortie de son dernier ouvrage, sur le Kyûdô (l'art japonais du tic à l'arc) « Le Kyûdô, art sacré de l’éveil » Editions Chariot d’Or, 2015, Michel Coquet a la gentillesse de nous faire parvenir cet article très intéressant, dans lequel il revient, de façon très intime, sur ce qui l'a conduit sur cette voie du Kyûdô tout en nous dressant un rapide historique de l'évolution de cet art japonais et de sa portée au-delà du visible.


M COQUET 1.JPG
Le hasard n’existant pas, en 1949 (j’avais à peine cinq ans), ma mère, abandonnée par son mari, se retrouva seule avec moi. Nous étions au Havre, démunis de tout comme bien d’autres après la guerre. Ma mère demanda de l’aide au maire de Sainte-Adresse et l’on nous mit en relation avec un homme exceptionnel, monsieur Roger Talbot, responsable au service contentieux de la Compagnie transatlantique, conseiller du Président René Coty, Franc-maçon, et mille autres cordes à son arc, si je puis dire ! Il deviendra mon mentor et mon parrain.

Après des années mouvementées où nous habitâmes une ancienne prison sur les falaises du Havre, puis des blockhaus et enfin une maisonnette, ma mère se remaria et nous partîmes vers la région parisienne en 1952. Mon parrain était japonais de par son père et, pendant toute ma jeunesse, ce grand chrétien ne cessa de m’instruire en me conseillant deux choses : pratiquer la méditation yogique chaque matin et me mettre au judo aussitôt que possible.

A seize ans, je fis une expérience spirituelle qui me poussa à m’introvertir totalement afin de redécouvrir cette source de lumière et d’amour qui m’avait véritablement transfiguré. La conséquence fut un désintérêt pour les choses du monde. Je vivais dans une petite cabane derrière la maison, qui fut mon refuge jusqu'à mon départ au Japon en 1969. Pendant cette période, je commençai la discipline d’une école de Râja-yoga, ce qui m’imposa des méditations de plusieurs heures, une diminution du temps de sommeil, un strict végétarisme et l’abstinence d’alcool. Mis à part mon travail à l’usine ou sur des chantiers, mon temps était consacré à la méditation, aux lectures religieuses, spirituelles et philosophiques ainsi qu’aux écoles auxquelles j’appartenais : cela allait du martinisme à la théosophie en passant par les écoles de yoga, de védantisme et de Zen.

Après des années difficiles, ma famille vivant bien en dessous du seuil de pauvreté (tel qu’il est défini aujourd’hui), je fis mon service militaire puis, de retour dans le civil, je m’inscrivis dans une salle de sport parisienne où enseignait un grand expert japonais, maître Hiroo Mochizuki. Avec lui, je commençai le Iaï dô (l’art du sabre), l’Aikidô et le Karaté dô.

Progressivement, je m’éveillai à d’autres horizons de l’Esprit et je décidai d’approfondir la vérité en partant aux sources. J’avais le choix entre l’Inde et ses yogas ou le Japon et ses arts martiaux. Le destin fit son choix et je partis pour le Pays du Soleil Levant, invité chez le père de mon instructeur, maître Minoru Mochizuki qui demeurait à Shizuoka. C’était une légende vivante dans le monde du Budô, ayant été l’un des meilleurs élèves de deux grands fondateurs, Morihei Ueshiba pour l’Aikidô, et Jigoro Kano pour le judo. Il avait atteint des grades élevés dans d’autres disciplines, notamment dans l’école de sabre de l’école Katori.

Maître Tokura
Mon compagnon de route et moi allions vivre dans sa vieille demeure dont tout le rez-de-chaussée était constitué d’un dojo d’entrainement. Cette demeure, connue sous le nom de Yoseikan, avait accueilli les plus grands noms du Budô. Mon objectif était d’approfondir la sagesse mise à ma disposition tant dans les écoles de bouddhisme que dans les groupes d’ascètes de montagne issus du Shugendo ou dans le shintoïsme omniprésent au cœur de nos pratiques martiales. J’espérais transmettre en France des arts martiaux peu connus, et transmettre la partie spirituelle des arts martiaux (le Budô) inconnue dans notre Occident trop polarisé sur le sport de compétition.

Au cours d’un grand festival de Nouvel an, je pus assister à un tir à l’arc de cérémonie qui fut suivi d’un tir de compétition. Le maître qui exécuta le tir inaugurant la nouvelle année était maître Matsui Masakichi, 10e dan hanshi. J’ai eu le coup de foudre pour cette nouvelle discipline et dès ce moment, je n’ai pas cessé de la pratiquer pendant mon séjour de cinq années. J’ai ainsi pu bénéficier de l’instruction intime et constante d’un expert de cet art, maître Masahiko Tokuda.

C’est l’enseignement de ce maître que je me suis efforcé de transmettre dans mon ouvrage (Le Kyûdô, art sacré de l’éveil) en espérant que nombreux seront les disciples à s’engager dans cette merveilleuse technique d’éveil qu’est le Kyûdô. A travers ce livre, je souhaite témoigner de la présence d’un maître contemporain qui, et cela n’est pas si commun, unit en un tout harmonieux une haute compétence technique, une grandeur de l’âme, le tout associé à une infinie compassion pour le genre humain.

Bien que l’archerie nipponne (kyûdô) soit maintenant répandue en Occident, peu de gens en connaissent les caractéristiques, même si nombreux sont ceux et celles qui ont lu le petit livre d’Eugen Herrigel, intitulé Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc.

Comme tout art guerrier oriental, l’archerie a suivi une évolution, l’arc ayant été utilisé en tant qu’arme de défense et d’attaque ou de chasse, jusqu’à devenir un véritable objet rituel religieux. Sa première utilisation fut donc défensive, c’est le Kyûjutsu, qui est similaire à toutes les formes d’archerie. Dans un second temps, apparaît la dimension spirituelle, l’arc devient un symbole et, à ce titre, se retrouve dans les mains des divinités où il va représenter un principe ou une qualité spirituelle (la compassion par exemple). L’arc aura même souvent un rôle dans les rites d’exorcisme. Cette dimension commença en Inde, puis se déplaça en Chine pour atteindre sa perfection au Japon.

Si dans le Kyûjutsu il s’agit de toucher la cible vite et bien, il reste bien différent de ce qui se fait en Occident où l’archerie est un sport et une distraction. Au Japon, le kyûjutsu exigeait les mêmes qualités que celles de n’importe quel archer mais en insistant sur l’acquisition de qualités mentales, comme le courage, la droiture, la grandeur d’âme, etc. L’archerie était totalement intégrée dans la culture, à l’égal de la Chine ; on ne tirait pas seulement pour se défendre mais pour progresser intérieurement.

Cette manière de concevoir l’utilisation de l’arc aboutira au Kyûdô, l’art d’atteindre la cible de son propre cœur.

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La technique reste la même, il faut atteindre le centre de la cible mais dans un cadre permettant à la personnalité humaine et mortelle de se préparer à entrer dans une dimension de transcendance. Cette préparation implique le respect des dieux ou kamis, les formes élémentales de la nature dont l’homme est partie intégrante. Respect et imitation des kamis par le geste, le souffle, le son et par cet esthétisme harmonieux qui est l’un des grands objectifs de la religion shinto, l’écrin dans lequel l’archer va tirer en vue d’atteindre l’état de vacuité selon la pensée bouddhiste.

Le kyûdô, tel qu’il est actuellement conçu, est l’art de faire un avec l’univers, de fusionner sa conscience à celles des kamis. L’harmonisation entre ces deux mondes, le monde objectif des hommes et le monde invisible des forces (supposées intelligentes) de la nature par la connaissance et le respect des lois de l’univers doit permettre à l’archer d’établir en lui une pureté et une réceptivité telles qu’il pourra devenir le réceptacle d’une force illuminatrice et inspiratrice. Pour ce faire, l’arc, la flèche et la cible doivent être le support de cette illumination et chacun va donc être le porteur d’un symbole auquel pourra s’identifier l’archer.

Si le shintoïsme forme l’écrin du kyûdô, c’est bien le bouddhisme Zen qui en est la finalité et le joyau. En effet, lorsque tout a été mis en place pour un tir parfait, il s’agit ensuite d’atteindre l’état le plus élevé de conscience possible et de réaliser la nature de son propre Esprit, sa nature de Bouddha, un état pré-nirvanique appelé vacuité par les bouddhistes et qui correspond au satori du Shintô. Le tir de la flèche devient alors un simple moyen, une technique devant permettre à l’égo humain d’entrer dans le silence pendant que quelque chose au plus profond de son être prend le relai et libère la flèche vers la cible. Si l’ego ou la pensée « je tire » est absente, l’action sans cause devient le moyen d’atteindre son propre Esprit, c’est-à-dire une conscience divine non polluée par un égo bavard et perturbant, un égo qui fragmente et limite la conscience universelle et la force à n’être qu’une conscience limitée à son petit moi égoïste, à son corps physique, à son affectif et à des pensées tournées vers les désirs des cinq sens. Un égo heureux lorsqu’il gagne et malheureux lorsqu’il perd. C’est cette manière de pratiquer que l’on nomme le kyûdô, le tir intérieur.

Réaliser la nature vide de toute pensée et l’état de pure vacuité qui est la prise de conscience de l’absolu n’est pas une mince affaire et implique un véritable don de soi, une totale adhésion à l’objectif du bouddhisme qui est la libération du cycle perpétuel de vie et de mort. Tout cela implique une discipline patiente et rigoureuse, une éthique et surtout une vision plus large que la simple distraction ou l’obtention d’une médaille dans l’optique d’une compétition sportive. Mais épurer l’égo de ses désirs pour le dissoudre dans la lumière, l’amour et l’unité n’est pas chose facile, c’est pourtant la seule et unique voie qui mène à l’accomplissement.


Un second point dissocie définitivement l’archerie nipponne de sa sœur occidentale, il s’agit de la sacralisation emblématique de l’arc et de la flèche lesquels, depuis l’Inde ancienne jusqu’à la Chine, ont été l’objet d’une vénération religieuse et mystique en tant que symbole de purification et d’émancipation. Les maitres archers du Japon se sont donc efforcés d’extraire tout ce qu’il y avait de meilleur dans l’archerie mongole et chinoise afin de l’adapter à leur mentalité et à leur culture propre. L’arc va ainsi atteindre le sommet de la perfection dans un style qui n’appartient qu’à l’âme nipponne.


L’histoire de l’arc au Japon

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Sans remonter trop loin dans le temps, l’archerie envisagée comme moyen d’atteindre l’illumination et la libération est la conséquence du développement culturel et religieux et politique du Japon.

Jusqu’à l’époque de Takeda Shingen (1521-1573), un guerrier aux ardeurs sanguinaires et ambitieuses, on utilise encore l’archerie à dos de cheval lors des guerres. A cette méthode va s’opposer un autre grand soldat, Oda Nobunaga, qui le dominera en remplaçant l’arc par le mousquet. N’étant plus désormais l’arme idéale, la pratique de l’arc va devenir, sous l’influence de moines bouddhistes, un art tout à fait adéquat pour acquérir une maîtrise mentale. L’archerie, qui reste encore associée à l’équitation, devient ainsi une voie d’accomplissement à part entière, une voie d’éveil. Cette finalité va s’affirmer tout au long de la période de paix des Tokugawa (1603-1868).

L’une de ces écoles (ryû) est celle d’Ogasawara, école qui délaissa complètement l’aspect militaire de l’arc pour en faire un instrument de culture et de maîtrise de soi dans un sens religieux. Un autre personnage va ancrer encore plus profondément cette manière d’être, il s’agit du samurai archer Heki Danjô Masasugu qui, suite à une inspiration intuitive, synthétisa le meilleur de toutes les écoles et mit au point une nouvelle méthode de tir qu’il baptisa Hi-kan-Chû ; le style Heki ryû de Kyûjutsu était né.

Toutes ces écoles vont mettre au point l’arc (yumi) tel que nous l’utilisons aujourd’hui, à savoir un arc fait de bois et de bambou et mesurant plus de deux mètres avec, comme caractéristique unique, d’être tendu à l’inverse de sa courbure. L’arc devient une œuvre d’art incomparable tant pour sa beauté et son efficacité que pour sa symbolique.

Cependant l’histoire n’est faite que de flux et de reflux et le Kyûdô n’y échappe pas. C’est ainsi que pendant presque cinq siècles l’arc va tomber en désuétude, sauf pour un petit troupeau de traditionnalistes restés fidèles et grâce auxquels la tradition de l’arc va se maintenir contre vents et marées. En 1724, le Shogun Tokugawa, homme de cœur et excellent archer lui-même, ordonne à Heibei Tsuneharu Ogasawara, descendant direct de l’école Ogasawara, de faire revivre l’école. Cette fois, des règles et des rites vont permettre des tirs de cérémonie (à pied ou à dos de cheval) accomplis dans des temples bouddhistes ou des sanctuaires shintos. Le Kyûdô acquiert ainsi ses lettres de noblesse et s’inscrit dans la religion, facteur essentiel d’unité nationale.

Lorsque le Japon entra dans la modernité pendant l’ère Meiji (1868-1912), mettant en péril toutes les institutions se réclamant d’une tradition séculaire, le Kyûdô en premier lieu, apparut un grand archer du nom de Honda Toshizane. Ayant perçu le problème du désintérêt pour l’archerie divisée en une multitude de styles, il s’efforça de recréer une unité en combinant les éléments du tir de cérémonie formel du Ogasawara ryû avec les techniques du Heki ryû afin de créer une méthode hybride qui deviendra le Honda ryû. C’est cet archer exceptionnel qui fut le maître instructeur du maître Kenzô Awa (1880-1939), le fondateur de l’école Daï Shadô kyô, qui développa à un très haut degré l’art de pratiquer le tir à l’arc dans l’esprit du bouddhisme Zen, une voie d’éveil appelée aussi le Shadô qui sera transmise à son disciple Anzawa Heijirô.

Au moment de l’occupation américaine, les arts martiaux furent interdits jusqu’en 1948. En 1949, les autorités d’occupation autorisent tout de même la création de la Zen Nihon Kyûdô Renmei (ZNKR) en vue de fédérer le Kyûdô dans le pays. Elle avait pour objectif de normaliser les enseignements divers donnés par les différentes écoles mais aussi et surtout d’établir une pratique commune entre elles (les hassetsu). Une possibilité de travailler dans l’unité même si, au demeurant, chacun restait libre de pratiquer le style de son choix. Cette normalisation est éditée sous le nom de Kyûdô Kyuhon, et traduite en français sous le titre : Manuel de Kyûdô.

Le Kyûdô n’est pas une voie martiale mais une voie spirituelle qui, au même titre que le Zazen où méditation assise, permet l’accès à la vacuité de l’Esprit, ce qui fait du Kyûdô une pratique de Zen en action (ritsu zen).

A travers cette discipline, un chercheur sincère et patient trouvera tous les outils nécessaires à sa perfection, psychologique, psychique et surtout spirituelle. Mon vœu le plus cher serait de voir les nouvelles générations se tourner vers une telle discipline car elle leur apporterait la paix intérieure et l’harmonie, et lorsque les individus sont en paix c’est la nation toute entière qui s’apaise.

Michel Coquet

« Le Kyûdô, art sacré de l’éveil » Editions Chariot d’Or, 2015.

http://editions-chariot-dor.fr/livre-54738-Le-Kyudo-Art-sacre-de-l-eveil.html#.Vbs2nvldpYM


Article paru le 30/07/2015


Notre dôjô - la culture japonaise indissociable de la pratique !

Aurore, Présidente du Dôjo Daikokuten, nous présente son dôjô et pourquoi il lui est important de présenter la culture japonaise à ses adhérents.


Daikokuten Dojo est né en Bretagne il y a plusieurs années, sous la forme d’une association.

Dès sa conception, ce Dojo avait pour raison d’être de permettre à ceux qui le souhaitaient, de découvrir la pratique de l’Aikido de Sumikiri enseignée par Jean Daniel Cauhépé. Basée à présent à Paris, dans le 10ème arrondissement, elle est rattachée aux Arts Classiques du Tao.

Il s’agissait donc de rassembler un groupe de personnes désirant travailler sur elles-mêmes en toute confiance et dans une atmosphère conviviale.

Sumikiri signifie en japonais : « Action de tailler les 4 angles d’un carré ». Cette image physique et symbolique exprime le travail d’harmonisation de l’esprit, des animæ et du corps du pratiquant.

Aikido de Sumikiri.jpg
• Art-martial sans compétition, nous travaillons seul ou avec partenaire(s), avec ou sans bâton, dans le respect et à l’écoute de l’Autre. Il s’agit avant tout d’un travail sur soi-même.

• La martialité s’exprime à travers nos valeurs et le comportement que nous adoptons.

• Le geste harmonieux nécessite de l’équilibre, une bonne coordination, une belle rythmique et de la justesse.

• A travers la souplesse et la relaxation active du corps et de l’esprit, il s’agit d’être capable de se centrer, de se mettre en mouvement sans se désaxer et de s‘enraciner afin de rayonner le KI.

• L’état d’esprit est en effet fondamental. Nous évoluons avec bienveillance en préservant notre santé tout comme celle de nos partenaires. La convivialité est au centre de la Pratique. Il s’agit d’avancer sur la Voie avec des compagnons de route où chacun a sa place.


Dès sa création, le partage était au centre de la pratique. Dans ce cadre, des stages rassemblant plusieurs Dojo ont été organisés. Puis Daikokuten Dojo a déménagé à Paris. Un nouveau noyau s’est donc formé grâce à la volonté de quelques personnes et au dojo Kikentai (19ème) qui nous a proposé une petite salle.

D’autres personnes nous ont ensuite rejoints et une salle équipée de tatamis a été nécessaire. Nous avons alors eu l’immense chance de pouvoir nous enraciner chez Tenchi (10ème) où nous pratiquons encore aujourd’hui.


Dès son installation à Paris, le projet était de faire découvrir la culture japonaise aux élèves.

Les principes que nous développons dans notre Pratique se retrouvent bien évidemment dans d’autres Enseignements, mais c’est surtout l’état d’esprit que nous souhaitions faire toucher du doigt à ceux qui découvrent cette culture.

Nous nous sommes donc rapprochés de Quartier Japon qui propose toute sorte d’activités. Nous avons débuté par le Furoshiki car je souhaitais faire découvrir quelque chose de vraiment nouveau aux élèves.

Ludique, très esthétique, écologique et utile, ceci résumait aussi bien le Furoshiki que l’Aikido de Sumikiri.

Ensuite, ayant travaillé toute l’année sur la fluidité, la calligraphie s’est naturellement imposée. Chacun a pu voir combien il est difficile de faire un point ou un trait.

Puis, afin d’alterner les plaisirs et renforcer la cohésion, nous avons fait un stage de cuisine, activité qui rassemble facilement les gourmands ^^.

Même s’il ne s’agit que d’initiations, ces petits stages participent à l’ouverture qu’offre notre Enseignement et qui est la richesse de ceux qui le suivent.

• Aller au-delà des apparences et s’efforcer de comprendre le sens profonds des mots, des gestes, des comportements, des idées, de ce et ceux qui nous environnent.

• Changer de point de vue, percevoir l’Autre comme un partenaire qui peut nous aider à progresser sur ce Chemin tel un compagnon et non comme un adversaire.

• Ecouter puis Entendre, Apprendre puis Transmettre. De cette expérience nait une belle Transformation.


Alors si vous êtes curieux, que vous avez de l’humour, que vous voulez rencontrer des gens improbables, partager de bons moments, apprendre sur vous-même, bouger et lâcher-prise, venez nous rendre visite.


Cette pratique est ouverte à Tous, sans distinction de sexe, d’âge ou de culture.

Elle ne nécessite pas d’être un athlète non plus.

Quelles que soient vos motivations, vous trouverez ce que vous apporterez !

https://aikidosumikiriparis.wordpress.com/


Article paru le 22/09/2015



Marie "Mon expérience de la calligraphie chez Quartier Japon"

  • Marie (élève en cours de japonais et en cours de calligraphie chez Quartier Japon depuis février 2014)nous explique tout d'abord comment se déroulent les cours, avant de nous faire partager son expérience plus intime de la pratique de la calligraphie.
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- A notre arrivée, Ayano (le professeur de calligraphie) a préparé les tables avec les pierres, les protections noires, les encriers et l'encre. Chacun vient chercher son pinceau ou sort son propre matériel s'il l'a.

- Les débutants, s'il y en a, se placent devant ; sinon, le placement est libre. Les "anciens" commencent à s'entraîner en autonomie (révision de l'appui en forme de larme, des traits vus la dernière fois...).

- Ayano nous distribue à chacun un kanji (ou une combinaison de kanji pour les plus avancés) que nous travaillerons. Ce kanji est choisi selon une progression établie par elle. Il peut arriver parfois que nous retravaillions deux fois de suite le même kanji s'il est difficile ou nous pose problème ; nous pouvons aussi le demander.

Parfois, Ayano nous demande si nous souhaitons revoir ce que nous avons commencé la dernière fois ou avancer (en particulier si nous sommes un peu restés bloqués sur un kanji). Il arrive aussi que ce soit "simplement" un nouveau trait nécessaire à l'élaboration des kanji suivants (par exemple "migi barai" pour moi récemment). Dans tous les cas, Ayano nous explique les étapes principales de ce trait ou de ce kanji, les difficultés dont il faut tenir compte.

--> Je sais que ces kanjis et traits suivent aussi la progression des feuilles "mode d'emploi" qu'elle nous donne (feuilles où se trouvent expliqués les principaux traits et les kanjis avec des dessins pour montrer le lien entre le kanji et l'objet) mais je ne sais pas d'où viennent ces feuilles.

--> Dans un premier temps, nous travaillons des kanji en style "carré" au gros pinceau, puis des hiragana sur page entière (par exemple "sushi"), puis, je crois, du travail au petit pinceau pour apprendre à signer, puis les plus avancés (deux ou trois personnes seulement) alternent entre style carré et style cursif plus rond, parfois sur le même kanji, successivement exécuté des deux manières. Je n'ai pas dépassé le niveau des kanji carrés, troisième feuille, donc, pour les autres stades, c'est moins clair, parce que je l'ai seulement vu chez les autres.

- Nous travaillons ensuite en autonomie, sur papier journal puis sur papier de calligraphie ou papier blanc selon le choix de chacun (Ayano nous encourage cependant tous à faire des essais sur "vrai papier" de calligraphie régulièrement).

- Ceux qui en sont capables signent leurs oeuvres, souvent après avis d'Ayano qui indique les plus réussies, celles qui peuvent être signées. Ils alternent donc petit et gros pinceau.

- Au bout de deux heures environ, pause-thé.

- Quand nous en éprouvons le besoin, nous lui présentons notre travail, soit pour qu'elle évalue nos progrès, soit parce qu'on est bloqué sur une étape. Nous discutons ensemble ; parfois, elle prend notre main pour refaire avec nous le trait compliqué.

- Si nous ne lui présentons pas notre travail, elle passe de temps à autre voir où nous en sommes (ceci dans l'optique où elle n'a pas de débutants, sinon elle est occupée à les former).

- 10-15 minutes avant la fin, chacun s'occupe de laver pinceau et encrier et de nettoyer les éventuelles taches sur la table. Chacun range son plan de travail. Catherine et moi aidons ensuite Ayano à finir de ranger et à vider la poubelle.


  • Marie nous fait part de son expérience de la calligraphie, à l'occasion de sa participation à l'un de nos ateliers d'été de création japonaise, en juillet 2016, comprenant une partie consacrée à la calligraphie.


Mon moment préféré : calligraphie. Je sors mon matériel pendant l'introduction générale ; j'écoute mais, comme je connais un peu, je commence à m'entraîner sur du journal. Moment drôle quand j'explique que je préfère protéger l'ensemble de la table avec du journal et que Mariko, un peu surprise, objecte que les enfants avec qui elle pratique n'en ont pas besoin. Nous protégeons toutefois tous nos tables, par sécurité ; c'est bien entendu ce jour-là que mon journal sera impeccable, sans aucune tache (normal). Nous nous entraînons directement sur papier japonais : d'abord l'appui en forme de goutte, puis la ligne horizontale, puis verticale, puis la courbe sur le côté.

Mariko a dessiné au tableau l'ordre des traits pour le kanji choisi : hoshi (étoile). En plus de l'adaptation aux circonstances (la fête des étoiles), ce kanji me semble très bien choisi : il est spectaculaire mais, vu qu'il est composé essentiellement de lignes horizontales et verticales, peut-être plus accessible aux débutants.

Très rapidement, l'état d'esprit si particulier et propre à la calligraphie m'envahit : je me tiens plus droite, mes pieds sont posés sur le sol, bien enracinés mais sans tension, mes épaules plus relâchées. Je fais quelques mouvements quand je sens une légère crispation : sans égoïsme, la calligraphie invite cependant à se recentrer sur soi. Je suis également amenée à m'interroger : qu'est-ce que je veux dire avec cette étoile ?

Des souvenirs heureux me reviennent, je constate une fois encore à quel point la calligraphie est à la fois un exercice très guidé ET un moment d'expression personnelle au plus près de soi, dans une obligatoire sincérité. Comme les samedis où je pratique, je pense à la légèreté ; si le trait n'est pas assez appuyé, il est trop fin, comme haché, vraiment pas agréable à regarder. Mais, en voulant être sûre, bien appuyer, j'arrive à un trait là aussi haché, avec des brisures, voire je peine à décoller mon pinceau ! Et une fois encore je me dis que c'est une leçon de vie pour moi qui ai tendance à zigzaguer parfois entre ces deux extrêmes (légèreté et gravité), et je me dis aussi que je n'ai pas encore trouvé la véritable réponse.

Malgré tout, un grand calme m'envahit, je suis centrée, en harmonie avec moi-même, et à peine surprise quand Mariko explique que l'odeur de l'encre de Chine est faite pour détendre le calligraphe (j'ai toujours aimé cette odeur...)!

Leçon à nouveau : après une première calligraphie qui me satisfait plutôt, je suis un peu moins concentrée et rate mes deux essais suivants ! Ce n'est pas grave, je recommence, en pensant au premier trait sur le papier, décisif pour le résultat, un peu comme l'état d'esprit avec lequel on aborde chaque événement. Pour la première fois, je tiens un petit pinceau pour signer : surprise, je n'arrive pas à écrire petit, ma signature est énorme !

Passé le sourire devant le ratage de mes premiers essais, je comprends que là aussi il y a un enseignement à découvrir, à comprendre : dans une réalisation, quelle est la place de notre individualité et celle de ce qui n'est pas nous ? Je regarde le modèle donné par Mariko : la signature ne disparaît pas, elle est assurée mais à sa place, laissant les "feux de la rampe" au kanji réalisé. Ou peut-être l'oeuvre est-elle l'union des deux?

Article paru le 24/07/2016


Les bienfaits du kyûdô - la Voie traditionnel de l'arc japonais

Ressentis de deux participants de la semaine d'initiation du 18 au 24 mai 2009 organisée par l'association Kyûdô à Paris (http://www.kyudoaparis.info/)

  • Annie
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Il est dans notre vie de ces moments de beauté, grâce et félicité où notre esprit et notre environnement s’alignent en harmonie.

Lors de cette semaine d’initiation au Kyudo, au Domaine d’Avalon, j’ai découvert que cet art martial japonais, par la rigueur et la symbolique de sa gestuelle et de ses postures, permet d’accéder, en une forme de méditation active et dans une grande sensibilité, à cette harmonie, à cet équilibre. Entre l’arc, la flèche, la cible et notre esprit se produit comme une symbiose, tel un échange, l’intérieur et l’extérieur devenant parfaitement et entièrement coordonnés, permettant ainsi à l’énergie de circuler dans l’infinitude de cet espace limpide.

La pratique du tir à l’arc m’attirait depuis longtemps déjà, mais la vie ne m’avait pas jusqu’à ce jour offert l’opportunité de l'aborder et c’est fort heureux. En effet, s’initier au Kyudo dans ce magnifique lieu d’Avalon a quelque chose d’exceptionnel, la pratique et le lieu se complétant à merveille. De plus, je ne pouvais souhaiter meilleur enseignant que Philippe Dallinga qui vous transmet cet art souvent de manière non verbale, mais toujours avec une grande bienveillance et beaucoup d’ouverture, entouré de la chaleureuse présence des « anciens », Édouard, Véronique, Béatrice et Dominique, et de leurs précieux conseils.

Cette semaine d’initiation m’a solidifiée, fortifiée, en m’ancrant, m’enracinant dans le sol, et par cette connexion établie entre la terre et le ciel, m’a également élevée. De même, la douceur, l’harmonie, la beauté des gestes de cette pratique m’ont remplie d’une merveilleuse gratitude, gratitude de ce don qui m’a été offert d’être un canal, un récepteur – transmetteur d’énergie entre des mondes. Remplie aussi d’humilité, car lorsque s’est produit le « hanaré », la décoche, l’instant où la flèche s’envole vers sa cible, ce n’est aucunement ma volonté qui s’est manifestée au travers de cet acte, mais juste l’expression d’une union où le « moi » s’efface. Lors de cette pratique, je me suis sentie tout à la fois seule, en face à face avec moi-même et en même temps reliée aux autres, aux mondes dans un espace infini.

Comment exprimer l’énergie, la félicité et la plénitude ressenties lors de ma première flèche face à la montagne ? Pleine présence en l’harmonie illimitée des mondes visibles et invisibles !

Ici, dans le Kyudo, l’essentiel est au-delà des mots, il réside dans cette ouverture intérieure du cœur et de l’esprit, cet état d’être et de conscience, cet harmonieux équilibre dont les mots ne sont que simples reflets et dont seule la pratique permet l’entière compréhension. Aussi, je souhaite à tous que l’occasion vous soit offerte de faire un jour un pas dans cette belle « voie de l’arc ».


  • Pierre
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Rendez-vous vers 10H à la Maison de la Sagesse..

Sourires des participants. Espace empli d’énergie. Montagne et vallée près des nuages.

« Hikitori » Ouverture. Arc et flèches sur leur support. Une cible à moins de deux bras. « Makiwara » de paille tel un épouvantail pour nous éloigner de l’objectif et nous rapprocher de nous-mêmes. Un arc surdimensionné. Juste du bambou et une corde. On appuie doucement sur l’arc pour tendre la corde. Déjà le geste prévaut sur l’action.

YOHI… Connexion terre ciel. On respire de bas en haut, de haut en bas. « comme un arbre ancré » dont les branches peuvent alors avec assurance être souples dans le vent. Ici, l’art du zen dans le tir à l’arc que l’on utilise aussi dans un travail de voix me paraît évident. Il s’agit d’équilibre. De médiation. De centrage.

Le « Dozokuri », enracinement, est aussi primordial que les 7 autres étapes du tir. Au loin, la neige est encore présente. Le silence du lieu et des participants apporte un calme et une sérénité inhabituelle pour un art martial. Kyudo pour occuper les Kamikazes qui n’avaient plus à combattre. Nous étions là aussi pour espérer porter une arme à l’autel de la paix pour qu’elle y reste.

Et puis, premier tir au bout de 2 ou 3 jours... Tout un temps à travailler un rituel, pour y réfléchir, pour affronter la cible, pour nourrir la flèche, « Aya ou Otoya », femme ou homme, de notre bienveillance et respect.

Respiration, tirs, méditation, force dans le faible et douceur dans la tension...au fur et à mesure que le temps passe, il n’existe plus.

Une maison s’est construite pour nous accueillir afin de tirer plus loin. Notre place. Chacun en place, les maîtres comme les élèves.

Une semaine à combattre… avec paix et harmonie.


Article paru le 27/10/2016



Alice, stagiaire au Japon dans une entreprise de Miso

La société
La voie du Miso – Ou être stagiaire au Pays du Soleil Levant

Stagiaire au Japon, c’est possible !

J’ai 21 ans et je suis étudiante à VetAgro Sup, une école formant des ingénieurs agronomes. Afin de prendre conscience des réalités d’une entreprise agro-alimentaire, j'ai dû trouver un stage au sein d une entreprise de ce genre. Etant partie au Japon au cours de l’été 2015, seule et en sac à dos, j’ai voulu retenter l’expérience mais dans un cadre plus professionnel. Le problème arrive ici. Les entreprises japonaises n’ont pas la tradition du stage qui existe en France et les entreprises étrangères implantées au Japon ne souhaitent pas se charger d’une stagiaire. Après avoir contacté de nombreuses entreprises francaises possédant un siège social au Japon, bien souvent des multinationales non intéressées par des stagiaires agronomes.., des entreprises japonaises exportant en France, et des compagnies étrangères, je commençais à baisser les bras. C’est alors que la compagnie Kakukyu Hatcho Miso, dont j’avais retrouvé un prospectus distribué lors d’un salon à Paris, m’a répondu.

Le Miso, un produit « noble » issu de procédés centenaires

Hatcho Miso produit deux types de miso, le Hatcho miso (à base de soja, leur produit phare, et le Akadashi miso(à base d’un mélange soja riz. L’entreprise localisée à Okazaki, ville proche de Nagoya, fabrique des produits réputés dans la préfecture d’Aichi. En effet, utilisant des savoir-faire transmis depuis 19 générations (1645), ils produisent du miso de grande qualité utilisé pour la confection de plats traditionnels. Le musée dédié au Hatcho Miso retrace l’évolution des techniques de fabrication. Les 30 artisans-ouvriers travaillant à la confection du miso, de sa préparation à son emballage, perpétuent les traditions tout en s’aidant des moyens technologiques actuels pour faciliter leur travail et produire du miso de la meilleure qualité possible.

Le hatcho miso est issu du soja, trié, lavé, cuit à la vapeur puis ensemencé d’une moisissure noble, Aspergillus oryzae (c’est le même principe que pour le fromage) il est ensuite stocké dans de grands tonneaux de bois ou oke pendant 2 ans minimum au cours desquels s’effectue une fermentation naturelle. Des visites guidées de la manufacture sont organisées tous les jours afin d’accueillir chaque année plus de 200 000 touristes. En France, c’est principalement le Hatcho Miso que l’on peut commander via des sites web tel que Lima (réputé dans le milieu de la macrobiotique) ou Clearspring. La Maison du Sake à Paris vend également certains de leurs produits ainsi que certains magasins bio.


Dépôt des pierres au sommet du oke, jour 1 de la fermentation. Le oke sera ouvert 2 ans plus tard.]]Vie en entreprise et vie quotidienne

Je suis donc leur première stagiaire, et leur première stagiaire étrangère. Leur volonté, en m’acceptant comme stagiaire, est de développer leur ouverture sur le marché français. Mon rôle est de promouvoir leurs produits, leurs savoir-faire et leur image. Pour cela je contacte par mails des magazines francais, des sites web, des restaurants, des magasins et des associations potentiellement intéressés par ce sujet. Je suis également chargée de la réalisation d’une vidéo de présentation de l’entreprise ainsi que de prospectus pour le SIRHA de Lyon.

Ma vie quotidienne est bien loin de celle décrite par Amélie Nothomb dans Stupeur et Tremblements ! Comme dans tout pays étranger, certaines choses surprennent et interpellent (comme les 5 minutes de gymnastique collectives dans la cours chaque matin) mais rien de bien méchant. J’ai été accueillie très chaleureusement et j’ai la chance de pouvoir participer à des activités en lien avec la découverte de la culture japonaise (cérémonie du thé, mizuhiki, cours de cuisine), visites (visite d’une manufacture de matcha, fabrication de taiko) etc. D’après mon expérience, il est assez difficile de trouver une structure d’accueil au Japon, mais cela n’est pas impossible.

Avoir un très bon niveau de Japonais est clairement un avantage mais pas forcément obligatoire. J’ai pour ma part un niveau débutant à l’oral mais une bonne maitrise des caractères japonais. Une volonté mutuelle de partage et de compréhension de l’autre et de sa culture est le plus important, l’anglais et les dictionnaires tel que Nichifutsu Jiten sont alors des outils magiques. Concernant les aspects pratiques notamment financiers, il peut être intéressant de demander s’il est possible d’obtenir un logement par exemple ou une compensation financière pour les frais de nourriture.

Le système des bourses d’études est bien développé en France et il est possible de trouver des aides en passant par sa fac, son école, le Crous etc ou par des associations aidant à partir en voyage (chercher dans vos villes d’origine !).

Je vais poster une série de petits articles concernant le miso et sa fabrication sur la page facebook de Ichigo Kai https://www.facebook.com/kidseventclermont?fref=ts , l’amicale franco japonaise du Puy de Dôme où se situe mon école. Vous trouverez également des recettes en français sur la page facebook de Kakukyu Hatcho Miso https://www.facebook.com/sato1382/ . Voici le lien menant vers leur site officiel, en japonais majoritairement, cependant des recettes bien illustrées sont disponibles en cliquant sur le premier onglet de « Community ». http://www.kakukyu.jp/recipe.asp

Si vous avez des questions ou des remarques concernant le stage en lui-même ou bien le hatcho miso, vous pouvez me contacter par facebook et je vous répondrai avec plaisir.

Article paru le 04/11/2016


La vie de ma propre boutique japonaise YODOYA, à Paris

YODOYA (淀屋) signifie « magasin de Yodo ».

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Yodo est un quartier d'Osaka, au même titre que Yodo-gawa (la rivière de Yodo), Yodo-bashi (pont de Yodo), parce que mon père est né à Osaka. Mon ancêtre, un grand marchand d'Osaka, se nommait aussi YODOYA Tatsugoro. C'est même lui qui a construit le Yodobashi. On peut le retrouver dans les livres d’histoire japonaise ! Il était incroyablement riche, donc le gouvernement l’a détruit. C’est la raison pour laquelle nous sommes devenus une famille pauvre. C'est tout ce que mon père m'a raconté quand j'étais petite...

Mes parents avaient un petit restaurant familial du nom de YODOYA à Tokyo, la ville dans laquelle je suis née. À l’entrée, il y avait un lampion de Matsuri (la fête de quartier japonaise) et le noren (un petit rideau présentant le nom du magasin). Malheureusement, ils ont déménagé. Et je l'ai oublié en grandissant.

Quand ma mère est décédée, j'ai trouvé le noren du YODOYA au fond de son tiroir. Et d’un coup, une énorme idée est née dans mon cœur ! « C'est moi qui perpétuerai l'enseigne de mes parents à Paris !!! » Je ne sais pas pourquoi j'ai pensé à ça !? La suite est un rêve devenu réalité. La vie est vraiment mystérieuse !

Au début de mon séjour à Paris, j'étudiais la langue française à la Sorbonne. En même temps, j'ai plusieurs fois fait du baby-sitting d’enfants franco-japonais. En effet, au Japon j’ai d’abord été institutrice.

Dans l’appartement des parents de ces enfants, un couple franco-japonais, il y avait de jolies décorations mélangées. Par exemple, dans un appartement ancien, il y avait un kimono aux beaux motifs, un kakejiku, un masque de Kabuki... C’est alors que je me suis dit : « Pourquoi ne pas ouvrir une boutique japonaise ? »

Au début, je préférais ouvrir un petit restaurant comme mes parents. Mais on m'a dit que c'est très dur et vraiment très coûteux. On m'a demandé si j’avais les ressources nécessaires.

Oui c'est vrai. Je n'avais pas beaucoup d'argent. Et petit à petit, j'ai pensé qu’une boutique de vente d’objets japonais m’irait mieux, parce que j'adore les objets de décoration et en céramique !

Un jour dans le journal, j’ai lu une annonce à propos d’une boutique dans le Marais à louer. Quand j'ai visité ce local, j'ai eu un coup du cœur ! Le mur était en pierres et il y avait une poutre ancienne. J'ai tout de suite imaginé que ce local serait parfait pour accueillir des objets japonais !

J'ai donc commencé à entreprendre de créer une société. Mais comment ??? J'étais encore une étudiante, en France depuis même pas 3 ans. Je ne parlais pas encore bien le français et je ne connaissais rien de la loi ou du droit en France. Il y avait beaucoup de difficultés...

Mais voilà, cela fait maintenant 15 ans que je tiens ma propre boutique japonaise à Paris, en gardant l'enseigne de mes parents, YODOYA. C'est vraiment un miracle pour moi !

J'ai participé à Japan Expo pendant 10 ans pour faire des Matsuri, présenter des kimonos et des objets japonais, mais surtout pour présenter la pêche aux poissons rouges et une pêche de yoyo-fusen, très populaires au Japon ! J'ai aussi quelque fois participé à des salons et à des foires internationales. Quand je présente la culture Japonaise, je porte un Happi (une petite veste traditionnelle) et un tenugui autour de la tête pour éviter de transpirer. C'est vraiment une atmosphère de Matsuri que j'adore depuis toute petite et c'est aussi un peu comme si j’étais dans la petite boutique de mes parents ^^ Je voudrais continuer de présenter la culture Japonaise authentique en France et servir de passerelle entre la France et le Nippon ‼

Miyako Ando

Site Yodoya : http://www.yodoya.fr/


Article paru le 01/08/2017


Pratiquantes devenues enseignantes d'ikebana

Karine Galinier, Valérie Gaudin et Ghislaine Benoit, ont été formées par Akiko Gishi pendant plusieurs années, jusqu'au passage du grade "Waki-san", qui leur permet de réaliser des compositions rikkas et de transmettre leurs connaissances et leurs expériences en ikebana à des élèves. Toutes les 3 sont ainsi diplômées de l'école Ikenobo.

Quand leur Maître, Akiko, a souhaité se lancer dans une nouvelle activité professionnelle, elle leur a proposé de prendre sa suite, à la fois en s'occupant de l'association qu'elle avait créée (Atelier Mizuki de Paris) et en assurant ses cours d'ikabana.


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Karine Galinier

"Quand j’ai commencé à pratiquer l’Ikebana, jamais je n’aurais pensé pouvoir enseigner.

C’est Akiko GICHI qui m’a fait comprendre qu’en rentrant en contact avec les végétaux on pouvait nouer une conversation intime avec eux. Ce professeur a déclenché chez moi l’envie d’aller beaucoup plus loin.

Aujourd’hui, en tant que membre actif de l’association, une de mes tâches a pour objectif de permettre à ses membres d’échanger, d’observer et d’avoir une approche intime avec les végétaux. Comme dans de nombreuses disciplines japonaises, l’ikebana n’est pas uniquement de la technique mais c’est surtout de la pratique. L’art floral japonais naît du respect envers la nature et apprend à faire preuve de patience et d’effort pour vaincre les difficultés, se dominer, se dépasser. Ainsi, l’ikebana repose sur une manière de vivre, une philosophie.

Je regrette un peu que peu d’hommes ne fréquentent les cours d’Ikebana. Je ne pense pas que les hommes soient moins sensibles où moins capables d’aimer cet art puisque les samouraïs, à l’époque, pratiquaient l’Art des fleurs en temps de paix pour travailler leurs concentrations.

Déroulement type d'un cours : Le cours d'une heure et demie est destiné aussi bien pour les débutants, qu’aux personnes ayant déjà pratiqué.

Il commence par la mise en place des contenants et les outils nécessaires à la réalisation de votre composition. Chaque élève débute avec les mêmes types de végétaux. L’intervenante donne une explication concernant le style d’Ikebana à réaliser et donne des conseils sur la meilleure manière de couper, d’implanter et d’orienter les végétaux, puis l’aide à ajuster la composition. Après avoir achevé votre arrangement, place à la correction devant une tasse de thé et petit gâteau.

L’étape importante à ne pas oublier est de prendre une photo, car au moment où on commence à s’attacher à notre composition, on vous demandera de la démanteler afin de faire un nouvel essai chez vous."


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Valérie Gaudin

"Les oiseaux et les hommes s’accordent pour parler des fleurs. Et pour preuve, j'aimerais partager avec vous ces deux citations : « Heureux celui qui... comprend sans effort le langage des fleurs et des choses muettes ». Baudelaire, Les fleurs du Mal.

« Dans la grise et tremblante lumière d'une aube de printemps, n'avez-vous jamais senti, en entendant murmurer les oiseaux dans les arbres, avec une cadence mystérieuse, que ce ne pouvait être que des fleurs qu'ils parlaient entre eux ». Okakura Kakuzō, Livre du Thé.

Pour moi, l'Ikebana est tout à la fois une invitation à la beauté, un apprentissage, et une méditation sur la relation de l’Homme au Cosmos.

Ikebana vient de Ikeru « faire vivre » et Hana « fleurs ». Il s'agit de faire vivre des fleurs dans de l’eau.

Sécateur en main, avec précaution et discernement, on raccourcit un rameau, on dégage une fleur. Un corpus de règles de composition établi par une tradition transmise de maîtres à disciples depuis environ 600 ans, guide la main afin que la composition traduise l’essence naturelle des fleurs, leur beauté intrinsèque, et la vie qui les anime. Lorsque l’élève aura intégré les règles, ces règles lui permettront d’exprimer librement tout son potentiel créatif, de révéler le trésor de beauté qui se cache en chacun.

La composition terminée, celle-ci devient un instant simple et éphémère de partage poétique.


Ghislaine Benoit Faire et refaire, prendre le temps d'essayer, se donner le droit de se tromper, partager un moment d'harmonie, toujours dans le plaisir de l'instant…

J'ai appris l'art de l'arrangement floral japonais avec Akiko Gishi. Akiko m'a fait prendre conscience que c'est avant tout en faisant qu'on apprend et que l'expérience est le plus sûr chemin d'apprentissage. Comprendre "avec la tête" vient ensuite.

L'ikébana met de l'harmonie dans ma vie : chaque fleur a sa propre personnalité et c'est ce qu'on cherche à percevoir quand on s'exprime en Ikebana. C'est ce moment de présence aux fleurs, pour moi proche de la méditation, que j'essaie de transmettre aux autres avec le plus grand plaisir."



Sites : http://www.quartier-japon.fr/ateliers-culturels/atelier-creation/ikebana http://ikebanaparis.fr/


Article paru le 01/08/2017




Valérie "EtegamiCall - des cartes peintes du monde entier"

L’E-tegami ou l’art du message illustré

Un échange au de la des différences et des frontières.


Je pratique l'etegami depuis 2013 en parallèle avec la peinture traditionnelle japonaise "nihonga". Chaque année, à l'occasion du grand salon de culture japonaise Japan Expo, j'organise avec l'association Pigments et Arts du monde, un Etegamicall, qui consiste en un appel à envoi de cartes peintes que nous exposons ensuite sur le stand.

Créée en 2004, il me tenait à cœur que cette association soit porteuse de valeurs humaines à travers les arts. C’est alors que j'ai trouvé dans L'etegami, ("e": image "tegami": message) support accessible à tous dans sa technique et dans son esprit, destiné à être offert, un médium idéal. Ainsi, la devise de son fondateur Koike Kunio "he ta de ii, heta ga ii" (Si c'est maladroit, c'est bien, soyons maladroits), permet à chacun de faire tomber les carcans quels qu'ils soient.

Le projet Etegamicall est né de ma rencontre avec Caroline Kojnok, présidente de l'association Zigzag Color.

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Ainsi, c'est un challenge que nous nous sommes proposé de relever : proposer à de jeunes autistes d’échanger des messages peints à travers l'etegami avec des etegamistes du Japon, puis du monde entier.

Les jeunes autistes, peu habitués aux petits format pour la plupart, ont découvert ce support avec bonheur. J'ai fourni les cartes gasenshi et les gansai (couleurs à l'eau) commandées au Japon, les outils ont été adaptés pour certains. Les gasenshi sont des cartes très absorbantes et les gansai doivent être utilisées très diluées. J'ai formé aux règles proposées par Koike kunio (le fondateur du mouvement de l’etegami au Japon) les éducateurs et animateurs des ateliers qui encadrent plus de 29 ateliers d'arts plastique dans la région parisienne. Ceux-ci ont ensuite intégré le procédé à leurs ateliers.

La ville d'Issy les Moulineaux, qui soutient notre association, nous a encouragés à faire des échanges avec la classe Kaze no kai d'Ichikawa, ville partenaire d'Issy les Moulineaux. C'est ainsi que nous avons commencé les échanges avec eux, ce qui nous a permis d'être représentés lors de l'exposition annuelle de « Kaze no Kai » à Ichikawa en mars de cette année.

Au fil de nos recherches, nous avons fait la connaissance avec Fumiko Miyazaki qui anime une classe d'etegami à Tokyo. Elle a eu la bonne idée de proposer aux enfants de 3 classes de l'école primaire Hayashiko à Tokyo, de peindre des etegami pour nous les envoyer. L'etegami étant habituellement enseigné aux adultes dans des classes qui existent dans toutes les villes grâce au sponsoring de la poste japonaise. Un atelier fut organisé spécialement pour l'occasion dans l'école pour trois classes d’enfants de 7/8 ans.

Une partie de ces etegami et ceux que nous avions envoyé, a été présentée lors de l’exposition annuelle à la Metropolitan Gallery de Tokyo ; elle portait le nom de « Let’s exchange hearts through arts ».


Sites :

- association Zigzag Color : http://zigzagcolor.wixsite.com/zigzagcolor

- association Pigments et Arts du Monde : www.pigmentsetartsdumonde.com

Article paru le 10/08/2017



Marina - ma Voie dans le Sumi-e

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J’anime les ateliers de la peinture japonaise sumi-e au Quartier Japon depuis trois ans.

J’ai commencé à m’intéresser au Japon quand je faisais mes études en langue japonaise et histoire de l’art à Saint-Pétersbourg.

En même temps, j’ai commencé à apprendre plusieurs arts japonais, comme la cérémonie du thé ou sadô, l’art floral ikebana, la peinture à l’encre japonaise sumi-e.

Tout naturellement, je me suis intéressée au Japon dans mes recherches, en commençant par l’étude comparative de l’art de la peinture à l’encre des 14-16ème siècles jusqu’à l’art contemporain japonais et l’art décoratif.

Parmi tous les arts traditionnels japonais, j’ai trouvé plus de possibilités d’expression de mes vues artistiques dans le sumi-e.


Après avoir fini l’Ecole des arts, je n’ai pas voulu continuer à peindre de la façon académique mais j’ai voulu trouver mon style personnel.

Comme la peinture à l’encre japonaise est basée sur la pratique de la respiration et sur l’entraînement de notre corps, j’ai ainsi et aussi trouvé la façon d’équilibrer mes trois passions : la danse, le sport et la peinture.

Après avoir achevé mon mémoire de recherche sur l’influence des arts du Zen japonais sur la peinture abstraite américaine du 20ème siècle, j’ai compris l’importance d’apprendre l’esthétique de cette peinture à l’encre noire et son lien avec les arts japonais : les arts martiaux, les arts du jardin et autres.

Dans la création des œuvres selon la technique sumi-e, chaque geste et chaque ligne jouent un rôle considérable.

Par la suite, j’ai élaboré mon propre programme de l’enseignement de la peinture sumi-e, qui se base à la fois sur des sources anciennes comme sur des recherches en psychologie de l’art.

Je l’ai ensuite enseigné dans l’Institut Oriental de Saint-Pétersbourg, ainsi que dans les écoles de japonais de la ville, à partir de 2013.

Chaque année, j’y ai également organisé des expositions collectives de sumi-e dans les bibliothèques de la ville.

Après mon arrivée en France, pour y faire mon deuxième Master en esthétique et histoire d’Asie, j’ai commencé à enseigner cette peinture à Paris, au Quartier Japon.


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Pendant mes cours de sumi-e, je ne demande jamais aux élèves de copier la composition, mais de trouver plutôt leur propre geste et leur propre façon de représenter l'objet, bien sûr avec mon aide, en se basant toujours sur la technique traditionnelle que je montre au début de chaque cours.

L’intérêt de la peinture sumi-e consiste dans le fait qu’on ne peut pas refaire la composition ou la répéter telle qu'elle est.

Chaque réalisation sumi-e est en effet une empreinte du moment présent, de notre humeur et de notre vie quotidienne.

De ce fait, les sujets du cours sont traités de façon très différente par chaque participant du cours.


Cela m’intéresse beaucoup d'enseigner le sumi-e, car j’aime voir l’ouverture du potentiel artistique qui se cache, à mon avis, dans chaque personne.

C’est que dans la peinture sumi-e, le plus essentiel est d’exprimer les émotions, la sensation envers le sujet traité, plutôt que la réalité matérielle.

Toutefois, les participants des ateliers sont plus à l’aise avec le résultat final, qui n’est, en fait, pas si important que le processus même de la création.


J’ai travaillé avec des groupes d'enfants jusqu’avec des personnes retraitées.

J’ai également eu l’occasion d’enseigner à des personnes et des enfants en difficulté et aussi au cours d'expositions et des festivals culturels.

C’est toujours intéressant de voir comment la technique du sumi-e permet aux participants d’oublier leurs problèmes et de se plonger complètement dans la création.


Peut-être, vous pourrez vous aussi trouver votre voie de sumi-e ?


Article paru le 15/05/2019



"Ce que j'aime dans le Japon" : pour 12 enfants de 8-12 ans de la classe de japonais

LOUISE 12 ANS
En septembre 2018, Quartier Japon a ouvert une classe de japonais pour les enfants, de 7 à 11 ans (https://www.quartier-japon.fr/cours-de-japonais/cours-pour-enfants).

Quartier Japon avait déjà ouvert une classe pour les pré-ado et pour les adolescents, depuis septembre 2016.

Face au succès de ces deux sessions et devant la demande des parents qui nous contactaient face à l’intérêt de leurs enfants plus jeunes pour le Japon et pour le japonais, nous avons décidé d’ouvrir cette classe pour les plus jeunes.

Déjà, depuis de nombreuses années, nous avions des enfants de moins de 10 ans déjà inscrits à notre formation annuelle de manga, mais cette fois-ci, les enfants venaient non pour et par le manga à la culture et à la langue japonaise, mais directement parce qu’ils étaient fortement demandeurs d’apprendre le japonais, sans être pour autant de grands consommateurs de manga.


Pour animer cette nouvelle classe, nous avons fait appel à notre intervenante, Mariko Nakayama, habituée à animer auprès d’enfants français à l’occasion des nombreux ateliers qu’elle anime depuis plusieurs années au sein de Quartier Japon comme dans les médiathèques, festivals, …, qui nous demandent des ateliers de culture japonaise.

Mariko a également une grande habitude de l’animations auprès d’enfants français, du fait de son travail d’animatrice péri-scolaire et de centres de loisirs, qu’elle exerce pour la Mairie de Paris depuis plusieurs années.

Par ailleurs, Mariko étant elle-même une artiste, illustratrice principalement, elle est très créative et force de proposition auprès de Quartier Japon et des enfants.


Parmi les différents projets menés avec les enfants de la classe de japonais pendant l’année scolaire 2018-2019, nous présentons cette fois les réalisations des enfants sur le thème : 「私の好きな日本」« Ce que j’aime dans le Japon.


AMIN 11 ANS
  • Présentation du thème, par Mariko Nakayama (Professeur de la classe)

« J’avais d’abord proposé aux enfants comme thème « Ce que j’aime à Paris ».

C’était pour présenter Paris aux enfants japonais et plus généralement aux Japonais. Comme sont nombreux les Japonais intéressés par les Français, je voulais leur transmettre les avis et opinions honnêtes et directes d’enfants français.

Mais au début, les enfants ont souhaité écrire sur ce qu’ils aimaient au Japon. Comme aucun d’entre eux n’était jamais allé jusqu’à présent au Japon, je leur ai d’abord donné beaucoup d’explications sur le Japon, je leur ai présenté des images de Japonais (via Facebook) et tous étaient formidablement intéressés et attentifs !

Ensuite, chacun d’entre eux a réalisé sa présentation jusqu’à ce qu’ils soient pleinement satisfaits de leur réalisation et ceux qui ont fini rapidement ont pu réaliser une seconde présentation. »

子供達に提案したテーマは、「私の好きなパリ(フランス)」 日本の子どもたちや日本人にパリ(フランス)を紹介するため。フランス人に感心ある日本人は多いので、フランスの子どもたちの身近で素直な意見を日本人に伝えたかった! まず、皆、フランスじゃなくて、日本の好きなところを書きたい!とのこでした。でもまだ誰も実際に行ったことはないのできちんと説明して、実際に日本人も見る(facebookで公開済)と言ったら皆素晴らしい集中力でした! 皆自分の満足行くところまできちんと努力していたし、早く終わった子は2枚目も書きました。


  • En préambule, par Stéphane Paumier (Responsable de Quartier Japon)

Les scans des travaux des enfants étant de faible qualité, pour ne pas perdre les écrits des enfants, j’ai donc décidé de les recopier en dessous de chacune des présentations.

Ce faisant, j’ai compris quelle logique avait prévalu à la réalisation des travaux et j’ai ressenti tout l’investissement que les enfants avaient mis dans leurs présentations.

Ainsi, chacun peut voir en quoi consiste « Ce que j’aime dans le Japon » pour chacun des enfants.

Les enfants ont consulté de nombreux sites sur le Japon et sur les aspects qui les intéressaient dans le Japon.

A partir des informations reçues, ils ont sélectionné des photos, qu’ils ont ensuite collées, ils ont réalisé des dessins, ils ont repris des textes trouvés sur internet qu’ils ont recopiés sur leurs présentation (avec des fautes d’orthographes qui les rendent d’autant plus touchants ^_^) et en ajoutant des explications de leur cru. 


EMMA 12 ANS
  • AMIN (11 ans) « Ce que j’aime dans le Japon »

Tôkyô : les Pokemon cafés


  • AURELIEN (10 ans) « Ce que j’aime dans le Japon »

Tôkyô : Kaiyodo Hobby Lobby : des personnages populaires, en passant par des statues bouddhiques, jusqu’aux animaux et dinosaures, ce magasin du fabriquant de maquettes Kaiyodo possède un large choix de jouets en capsules et de figurines finement réalisées. Il existe également un coin où sont exposés les nouveaux produits Kaiyodo avec des échantillons que vous pouvez prendre dans vos mains. Akihabara : Akihabara est la ville électrique la plus réputée au monde pour ses fournitures individuelles en électronique. On peut même y trouver n’importe quel appareil électronique à des prix raisonnables. Il y a de plus en plus de magasins de manga ou d’animés.


  • CLEMENCE (11 ans) « Ce que j’aime dans le Japon »

Gifu Ken (Préfecture de Gifu) : Shirakawago Inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, on peut voir sur les sites de Shirakawago et Gokayama des maisons de type Gassho Zukuri (toits de chaume) traditionnelles typiques de cette région.


CLEMENCE 11 ANS
  • COME (11 ans) « Ce que j’aime dans le Japon »

Tôkyô to (Préfecture de Tôkyô) : One Piece Tower, fleurs de cerisier Sakura, restaurant de sushi, One Punch Man, chat (Hello Kitty ?) Akihabara : Akihabara est la ville électrique la plus réputée au monde pour ses fournitures individuelles électroniques, informatiques et électriques.


  • EMMA (12 ans) « Ce que j’aime dans le Japon »

La région du Tôhoku : Aomori Nebuta Matsuri, Aomori ken (Préfecture d’Aomori), les pommes Ringo, Iwate ken (Préfecture d’Iwate) : le riz komé A Tôhoku, il y a beaucoup d’espace et d’agriculture et les fêtes traditionnelles sont réputées partout dans le pays.


  • ISAAK (12 ans) « Ce que j’aime dans le Japon »

Tôkyô to (Préfecture de Tôkyô) : Gundam, Sky Tree, Akihabara : jeux vidéo, manga, nouilles soba, feu d’artifice du fleuve Sumida, Tôkyô Towa (Tour de Tôkyô)


  • LEONIE (8 ans) « Ce que j’aime dans le Japon »

Gifu ken (Préfecture de Gifu) : le sanctuaire d’Isé, situé dans la partie Centre-Est. Maisons de type Gassho –Zukuri (toit de chaume) traditionnelles typiques de cette région. Cette ville est située dans la zone montagneuse de la préfecture de Gifu.


Kyôto fu (Préfecture de Kyôto) : Kimono, Mettre un joli kimono pour les jours de fête, Matsuri (fête traditionnelle) : des célébrations religieuses ont lieu pendant la période du mois de juillet Shinto Jinja (sanctuaires shinto) : sur le chemin qui mène du sanctuaire principal jusqu’au sommet du Mont Inari, environ 10000 toriis (portail sacré) s’alignent pour offrir un cadre spectaculaire qui fascine les touristes. Photo de pagode


  • LOUISE (12 ans) « Ce que j’aime dans le Japon »

L’île de Shikoku, avec ses préfectures : Kagawa : les nouilles udon, Tokushima : les festivals matsuri, Ehime : les mandarines mikan, Kochi : les agrumes Yuzu : on utilise yuzu pour la cuisine.


  • MAX (10 ans) « Ce que j’aime dans le Japon »

Tôkyô : Akihabara est le quartier le plus mouvementé de Tôkyô. C’est le quartier où il y a le plus d’appareils électroniques, de salles d’arcade, de boutiques de figurines, de boutiques de manga… En bref, Akihabara est le quartier rêvé pour petits et grands. La ville électrique d’Akihabara est la plus réputée au monde pour ses fournitures individuelles en électronique, informatique et électrique. On dit que l’on peut y trouver n’importe quel appareil électronique. Il y a de plus en plus de magasins de manga ou d’animé à Akihabara, qui prennent la place des magasins d’électronique. Shinjuku ouest prend progressivement de l’importance comme quartier de l’électronique grand public, tands qu’Akihabara est de plus en plus centré sur les passionnés. Kaiyodo Hobby Lobby à Tôkyô


  • MELISSA (9 ans) « Ce que j’aime dans le Japon »

Kyôto : Kyôto est l’ancienne capitale du Japon. Sa forme sur une carte ressemble à un couteau. Population 1, 475 million Jinja : Le sanctuaire Fushimi Inari Taisha a plus de 19 siècles d’histoire, mais c’est aussi quelque 30000 sous-sanctuaires répartis dans tout l’archipel. Tchikurin (bois de bambous) Durant la période Héan (784-1102), Arashiyama fut la destination de promenade favorite de la cour impériale. Le paysage garde l’empreinte de cette époque. Osaka Jô : château d’Osaka


  • NEIL (8 ans) « Ce que j’aime dans le Japon »

Tôkyô to (préfecture de Tôkyô) : Niijima, Shikinejima, Toshima

Okinawa ken (Préfecture d’Okinawa) : observation de baleines, l’île d’Aka, l’île de Zamami, l’île de Tokkashiki, les produits locaux, la cuisine, la nourriture et les boissons


Retrouvez l'ensemble de leurs réalisation sur notre dossier souvenir, accessible via la page dédiée à la classe de japonais pour enfants de Quartier Japon (https://www.quartier-japon.fr/cours-de-japonais/cours-pour-enfants)!


Article paru le 10/06/2019



Arnaud, enseignant, céramiste et kokédamiste

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  • "Ma rencontre avec le Japon"

Passionné de langues, de voyages et de cultures, j’ai découvert le Japon lors d’un premier séjour en 2008 et y retourne tous les deux ans depuis. Professeur d’anglais à l’université, j’ai également enseigné le grec moderne, mais lorsqu’il s’agit d’esthétique et d’art de vivre, c’est vers le Japon que se tourne plus naturellement mon regard. J’aime la sobriété et l’épure de ses compositions florales, l’humilité et l’aspect parfois brut de ses poteries, l’élégance du geste calligraphique et la mise en valeur du vide et de l’ombre que l’on trouve présente dans ces disciplines artistiques et son architecture. L’esthétique si particulière du wabi sabi, qui prend en compte tout à la fois l’impermanence de la beauté – son caractère éphémère — ainsi que les aléas de son avènement, m’émeut plus que tout.


  • "La céramique"

De nombreux cours d’ikebana (écoles ohara et shōka) m’ont donné envie de créer mes propres contenants. A la quarantaine, et après avoir toujours peint et dessiné, j’ai découvert une véritable vocation dès mes premiers cours dans un atelier de céramique de l’est parisien. Le contact avec la terre, qu’il s’agisse de grès ou de porcelaine, s’est révélé décisif. J’ai découvert dans la plasticité et la versatilité de l’argile un répertoire infini d’explorations formelles. Les hasards et les éventuels accidents de ce que l’on appelle l’art du feu m’ont séduit. A plus de 1260 degrés, la terre et les émaux subissent des changements qui échappent souvent aux prévisions. Avec la céramique et l’ikebana, le mariage du minéral et du végétal s’est par conséquent retrouvé au cœur de ma pratique artistique.


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  • "Kokedama ?"

Le kokedama, cette petite sculpture végétale faite de terre et de mousse, m’a très vite attiré et cet autre art floral est devenu emblématique pour moi. J’en crée quasiment toutes les semaines, je réalise des supports en céramique pour les mettre en valeur et depuis plusieurs années, je confectionne aussi en parallèle ce que je nomme des « kokewan », des bols de mousse, véritables petits jardins miniatures qui prennent vie dans les vases et les contenants aux formes organiques qui sortent de l’atelier « Vents & Courbes » où je les imagine et les réalise, au Pré Saint Gervais, à la lisière de Paris.

Moins connu que l’ikebana ou le bonsaï, disciplines ancestrales et codifiées nées dans le Japon médiéval, le kokedama est né à la fin du vingtième siècle pour répondre aux impératifs d’une vie citadine coupée en grande partie de la nature. N’exigeant pas comme le bouquet ikebana ou l’arbre miniature un espace dédié, l’alcôve du « tokonoma », le kokedama s’intègre aisément dans des appartements ou des intérieurs plus réduits et moins rituels. Il permet néanmoins de maintenir ce lien essentiel avec l’environnement extérieur et naturel, si cher aux japonais et désormais si prisé également en Europe. Cette boule de mousse, (Koke désigne littéralement la mousse et tama la boule) est un monde en miniature, un microcosme vivant que l’on crée et auquel on apporte un soin moins exigeant que celui que requiert le bonsaï. Dans son substrat fait de terreau, d’argile et d’akadama, une pierre volcanique, la plante vit et croît sans nul besoin de pot.

Repéré à Kyoto lors de l’un de mes voyages, j’ai été intrigué et suis tombé sous le charme de ces petites plantes-sculptures. Au Japon, certains kokedama sont vraiment réduits et on un aspect très « kawaii », comme une figurine sortie d’un film d’animation des Studio Ghibli. J’ai commencé dès mon retour à me former en autodidacte à cette pratique en visionnant des tutoriels et en recherchant des informations concernant sa confection et l’entretien des plantes.


  • "Une autre expérience de l'enseignement"

Mon enseignante d’ikebana de l’époque, Akiko Gishi, a découvert que j’avais créé pour décorer mon intérieur plusieurs kokedama ainsi qu’un tsuboniwa, un jardinet de balcon recouvert de mousse. Elle m’a demandé de lui faire une démonstration de la technique, à elle et à plusieurs élèves de l’atelier d’ikebana. De manière improvisée, je me suis donc retrouvé à donner mon premier cours dans l’école de langue et de culture japonaise « Quartier Japon » où je continue de façon régulière à animer des workshops. Depuis, j’ai confectionné un nombre incalculable de kokedama et prends toujours autant de plaisir à enseigner les gestes, à accompagner les participants et à les voir repartir avec leurs kokedama en main, satisfaits du moment passé et de la découverte. C’est un instant de détente et d’échange, enrichissant pour tout le monde.


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  • "Les bienfaits des kokedama"

La plupart des plantes peuvent être a priori intégrées dans une composition kokedama. Les plantes à fleurs peuvent parfois se montrer un peu plus délicates, même si des variétés telles que la fleur de lune, avec ses belles fleurs blanches sveltes, s’accommodent très bien du traitement à partir du moment où on les arrosent suffisamment et où elles bénéficient de la luminosité appropriée. Les plantes d’extérieur, plus rustiques, s’adaptent aussi très bien au kokedama. Au bout d’un maximum de deux ans, elles devront être changées de terreau, comme on le fait pour les bonsaïs ou éventuellement remises en pleine terre.

Un kokedama s’entretient assez simplement et c’est avant tout sa boule de substrat qui lui assure santé et longévité. Elle doit être plongée dans l’eau de façon régulière, plus ou moins selon les types de plantes. L’arrosage peut varier selon les « kokedamistes » : certains recommandent un arrosage par le biais d’un trou percé à même la boule, à l’aide d’un mini arrosoir. Personnellement, je préconise de faire tremper le kokedama à intervalles réguliers dans une petite soucoupe ou bol remplis d’eau, afin que la moitié de la boule absorbe l’eau nécessairen, par capillarité, comme le fait l’orchidée. Il faut ensuite savoir examiner et intervenir si besoin est.


  • "Le kokedama dans ma vie"

Pour moi, cette découverte du kokedama est arrivée à un moment opportun, alors que je songeais depuis plusieurs années à me reconvertir vers une carrière plus artistique, sans rompre avec mon métier d’enseignant. L’apprentissage de la céramique et des arts végétaux japonais ont été une révélation. J’y ai trouvé ce que les japonais nomment du joli concept d’ « ikigai », et que l’on pourrait transcrire par le terme de « raison d’être ».

Cela satisfait mon désir de créer tout autant que mon souhait de faire du bien autour de moi. Cela répond à une quête de sens qui arrive sans doute alors que l’on avance en âge. Je me retrouve donc avec mes deux, voire mes trois casquettes, et mes journées de travail ne se ressemblent jamais.


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  • "Le kokedama, une petite Terre ?"

Plus largement, comme je le signalais, le kokedama est un microcosme et au même titre que toute autre présence végétale, il nous permet de rester connectés à un environnement naturel qui fait souvent défaut dans nos environnements urbains trop souvent dépourvus de nature. L’engouement actuel qu’il rencontre et la résolution que l’on a de végétaliser nos intérieurs participent pleinement de ce besoin essentiel. Il personnifie à lui seul plusieurs des principes du zen et de l’esthétique japonaise: celui de l’humilité, car il n’est pas ostentatoire, tout autant que ceux de la simplicité et de la tranquillité. C’est assurément à lui seul un morceau de Japon et un modeste support quotidien de méditation et de repos.

Article paru le 11/03/2020